mercredi 26 octobre 2011

Stay Ali : grandeur et décadence suédoises I




Bård Ericson, Elias Smeds et Johan Vati Graden sont trois stockholmois nés en 1991. Ils ont sorti dix disques en cinq ans. Il y a déjà dans cette carrière des fondements, une évolution et une maturité.
Stay Ali est une expérience électronique instable, qui a mal tourné. La face cachée de la scène suédoise. Les fils de Slagsmålsklubben qui aiment le désordre. L’un des miracles permis par l’Internet, les netlabels et  la vulgarisation technologique.




STAY ALI - Vendel Kaufman


Ceci est un fouillis de synthés analogiques, de boîtes à rythmes amateur et de samples de Gameboy®, le tout rehaussé d’un chant incohérent et sibyllin. Les mélodies sont simples et accrocheuses, la texture des sons tire sa beauté de sa médiocrité et de sa variété. Les balances approximatives n’altèrent en rien ni la beauté des arpèges ni les structures très développées : ces petits jeunes ont mis la théorie au service du beau et du fou. 

La plupart des morceaux sonnent comme des hymnes (Ingrid, Kislovodsk), le bpm est élevé (Lop, Kislovodsk toujours), l’ambiance devient parfois angoissante (Toys). Le tout s’achève sur le chapitre intitulé Luxemburg, le seul réellement chanté ; un petit chef d’œuvre bordélique (écoutez le développement de la chanson à 1:52).  Vendel Kaufman est un ensemble de notes centrifugées, une transcendance de la 8bitpop, toujours kitsch et jamais vulgaire. Novateur au sens le plus scandinave du terme. Inscrits en plein dans la révolution musicale suédoise que nous détaillerons prochainement. 




STAY ALI - Frå de Inre


Allez, des petis guignols de quinze ans qui se la jouent parce qu’ils ont appris le manuel d’utilisation de Reason, de Garage Band et  de l’essentiel des stocks de Korg  et Roland. Vous en avez des grands frères (SMK, Dunderpatrullen, Rymdkraft, Ninjaspark) et il y en a même qui ont loué des studios pour enregistrer leur musique. Des basses en octaves, des beats de dancefloor et des basses en ondes triangulaires, pas mal de monde y avait pensé. Oui mais non, parce que Stay Ali a publié Frå de Inre en 2007. Un EP de six chansons qui entérine le précédent opus et pose les jallons de ce qu’il faut appeler la musique électronique 8bit dance kitsch infantile baroque. En France Kitsuné les aurait kidnappés pour vendre des T-Shirts et des lunettes en plastique, mais en Suède la capture des bonne pousses est plus tardive.

Dans Frå de Inre, la folie a crû. Le rythme ne sert plus qu’à essayer de retenir les notes. Les textures sont encore plusdiversifiées (Kastrull), les cadences accélérées (Commander Blop), les vocodeurs ressortis (Pfefferbreffer), le formulaire pour admission en asile psychiatrique rempli (Krank) en enfin la délivrance, l’acmé, le zénith : le morceau céleste éponyme dont il faut espérer qu’il sera analysé par ce qu’il restera de l’Humanité dans mille ans. Frå de inre signifie « Questions intérieures ».




La suite de l’histoire est Forgive me Fraülein, dont l’introduction indique la qualité. Œuvre démiurge, aux incessants changements de tonalités, sa première phase se termine dans les nimbes, relayée par des nappes glauques, un rythme sourd et progressif qui amène vers un chaos inaudible, supplanté par une renaissance stellaire.

Stay Ali tente une synthèse musique traditionnelle/jazz/8bitpop dans Hundbageriet. Kandyland, comme son nom l’indique, sent les bonbons avec son thème syncopé impeccable, auquel se greffent de petites arpèges qui prennent le dessus pendant le pont, disjonctent momentanément puis introduisent la réexposition du thème. Sublime. Des morceaux plus traditionnels au sens fou du terme (Krakow, Skräckfabrikören) laissent la place à Tivoli Knispel, qui n’est pas qualifiable donc pas chroniquable. La seule influence évidente est Bach.  Und dann kommen wir Weiter : du jazz nordique et puis enfin You and Mimi, une charmante ballade très légère, ornée de clochettes électroniques qui clot l'opus essoufflant.

Avec ces trois disques, Stay Ali a énormément apporté à la musique électronique : la théorie musicale, l’humour, la folie. Un univers musical original et totalement innovant, illustration parfaite de la créativité suédoise que l’on soupçonnait déjà d’être sans bornes.





Pages de téléchargement :
Vendel Kaufman
Frå de Inre

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire